Reportage de Marthe Dolphin – LABO 148

 

Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont répondu à l’appel du collectif féministe #NousToutes et de nombreuses autres associations, en défilant côte à côte ce samedi 23 novembre 2019 pour dire «  stop  » aux féminicides et réclamer 1 milliard d’euros contre les violences sexistes et sexuelles. D’autres importants rassemblements étaient également organisés à travers toute la France, comme à Lille, Rennes, Bordeaux, Lyon ou bien encore Montpellier.

Depuis la libération de la parole des femmes impulsée par le mouvement #MeToo, les revendications concernant l’égalité des droits et la place des femmes dans la société commencent à être enfin entendues et à fédérer. La « déferlante violette » ne cesse de s’amplifier, comme le succès de cette manifestation emblématique et nécessaire le prouve, il est temps d’agir  !

Jamais la participation à cette marche n’aura été aussi importante.  Le rendez-vous est donné à 14 heures; départ place de l’Opéra. «  Nous irons jusqu’à Nation où des prises de paroles sont prévues. Il n’y a aucune prise de conscience de la part du gouvernement, il faut que ça cesse.  » explique une des organisatrices  du collectif #Noustoutes.

Depuis le 1er janvier 2019, ce sont déjà 138 femmes qui ont été tuées sous les coups de leur conjoint ou ex-conjoint violent, d’après le collectif Féminicides par (Ex) Compagnons. L’an dernier, c’était 121 femmes qui succombaient de la même manière. Face à cette hausse alarmante, les associations  féministes dénoncent le silence et l’immobilisme de l’Etat et demandent la mise en place de mesures fortes et concrètes comme  : l’instauration d’un brevet de la non-violence obligatoire pour tous les collégiens, une plus large utilisation de l’ordonnance de protection, la formation de tous les professionnels au contact des victimes et la mise en place de tribunaux dédiés pour juger ces faits plus rapidement et les budgets nécessaires à leur mise en œuvre…

 

De nombreuses organisations et personnalités mobilisées

Les familles de victimes de féminicides, réunies au sein de l’Union Nationale des familles de féminicide  et de l’Association des familles de victimes de féminicides, ont aussi défilé dans le silence et la dignité imposés par les drames qu’ils ont vécus, en hommage à leurs défuntes. Elles tenaient plusieurs pancartes présentant des photos de certaines victimes.

Près de 70  organisations, partis politiques, syndicats et associations (Planning familial, CGT, CFDT, EELV, LFI, PS, Unef, PCF, SOS homophobie…) ont défilé. Des personnalités comme les comédiennes Muriel Robin, Julie Gayet, Alexandra Lamy, Eva Darlan, Marilou Berry, Laetitia Casta ou bien encore Nadège Beausson-Diagne… ont marché en tête du cortège. L’ancienne ministre de l’Education Najat Vallaud-Belkacem était également présente.  

Des centaines de groupes de jeunes se sont constitués dans les lycées et les universités pour y participer, signe du changement de mentalité qui s’opère et d’une prise de conscience de cette injustice sociétale. L’ambiance dans le cortège est joyeuse et bon enfant. On reconnaît les morceaux «  You don’t own me  » de Lesley Gore et «  Debout les femmes  », une reprise de l’Hymne du MLF.

De plus, les actions pour sensibiliser la société française aux féminicides se sont multipliées à travers le pays. Parmi les plus marquantes, les collages réalisés dans de nombreuses villes pour dénoncer chaque cas de féminicide. Ce mode particulier de sensibilisation veut frapper les esprits et se répand partout en France grâce à des femmes qui les pratiquent à visage découvert, en payant les amendes quand elles sont interpellées par la police. 

Des activistes Femen, non-violentes et dénudées comme à leur habitude, ont aussi dénoncé samedi les violences faites aux femmes, dans une société française, dont le modèle patriarcal est encore dominant.

Les mesures du Grenelle annoncées lundi

Le gouvernement a lancé début septembre un Grenelle des violences conjugales, promettant des mesures  « concrètes ». Parmi les propositions soumises au gouvernement  : améliorer le recueil des plaintes des femmes victimes de violences notamment dans les commissariats, désarmer les compagnons violents à la première menace, faciliter le signalement des faits par les médecins, des mesures de préventions à l’école…

 Le Premier ministre Edouard Philippe a ainsi clos ce lundi 25 novembre le Grenelle des violences conjugales en dévoilant des annonces très attendues par les associations féministes.

«  C’est le regard de toute une société qui doit changer  » (Edouard Philippe)

Au final, Edouard Philippe, accompagné d’une douzaine de membres de son gouvernement, a présenté une série de mesures (prise en charge psychologique des agresseurs, saisie de leurs armes, renforcement du numéro 3919….), certaines sont déjà en cours d’adoption comme la généralisation du bracelet anti-rapprochement. Une proposition de loi viendra notamment suspendre l’autorité parentale du conjoint meurtrier et/ou violent en janvier 2020.

Toutefois, le bilan reste insuffisant, selon le communiqué de presse #NousToutes, «  la déception est à la hauteur de l’immense attente soulevée ces derniers mois. Il parle de «  dysfonctionnements majeurs  » et de «  faillite collective  », il n’en tire pas les conclusions  ». Le collectif ne compte donc pas s’arrêter là, «  nous sommes déterminées  ». On n’a donc pas fini de revoir du violet dans les rues  !

Il faut rappeler que depuis la fin du XIXe  siècle, le  violet est la couleur traditionnelle des féministes, cette couleur était déjà arborée par les suffragettes. Le violet caractérise désormais les mouvements luttant pour l’égalité des droits entre hommes et femmes et en France, s’agissant des violences sexistes, il résonne douloureusement avec le mot viol, auquel il ressemble.

Alors oui, les mots ont bien un sens, c’est pourquoi il faut que le terme «  féminicide  », relayé et employé depuis cette année par les médias, soit officiellement reconnu. Car effectivement quand on tue une femme parce qu’elle est une femme, c’est bien un féminicide, et pas un homicide conjugal. Des caractérisations sémantiques existent déjà quand il s’agit du meurtre d’un père (parricide) ou d’un enfant (infanticide). Le changement d’état d’esprit passe aussi par les précisions des mots.

 

Communiqué de presse du collectif #NouToutes

 

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