Texte /  Photo / Vidéo : Marthe Dolphin

Samedi 20 novembre 2021 place de la République à Paris, des dizaines de milliers de personnes ont répondu à l’appel annuel du collectif féministe #NousToutes, pour dire « STOP » aux violences faites aux femmes. D’autres rassemblements étaient également organisés à travers la France pendant le week-end, comme à Toulouse, Lille, Marseille ou encore Montpellier.

« Grande cause du quinquennat…Bla Bla Bla »

#NousToutes recensent les féminicides. Depuis le début de l’année en France, ce sont 104 femmes qui ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. En 2019, elles étaient 156 et 102 en 2020. Tous les deux jours, selon le collectif Féminicides par (Ex) Compagnons, une femme meurt sous les coups de son conjoint ou ex-conjoint ; parce qu’elle le quitte, parce qu’il pense qu’elle va le quitter ou parce qu’il ne supporte plus qu’elle lui échappe.

Les 50 000 manifestants pour #NousToutes, 18 000 selon la préfecture de police, ont alors clamé leur rage face à ces chiffres alarmants. Ils ont aussi dénoncé l’insuffisance de moyens ainsi que l’immobilisme de l’Etat dans les politiques publiques contre les violences sexistes et sexuelles. Le gouvernement en avait pourtant fait une grande cause nationale. « Ce n’est que du bla bla bla, le compte n’y est pas. Aujourd’hui on vient montrer notre colère » s’indigne Martine, foulard violet autour du cou et militante féministe.

De nombreuses organisations mobilisées

Dans le cortège, 60 associations féministes, de protection de l’enfance, des syndicats et des partis politiques manifestent avec #NousToutes. Parmi elles, on retrouve le Planning familial, la CGT, EELV, LFI, STOPVOG, la Ligue des Droits de l’Homme…

Elles s’appelaient Sofya, Stéphanie, Michèle, Audrey…Les familles de victimes réunies au sein de l’Union Nationale des Familles de Féminicides rendent aussi hommage à leurs mortes. Dans le silence et la dignité, elles défilent avec les portraits des victimes pour les rendre visibles. Une banderole souligne: « Elles étaient nos mères, nos sœurs, , nos filles, nos cousines, nos amies ».

Plus loin, les emblématiques Rosies,  militantes de l’organisation ATTAC France, dansent et chantent plusieurs de leurs tubes pour faire entendre leurs revendications comme « Respecte moi » ou bien encore « Macron c’est toxique ».

« Les actes c’est pour quand ?

Réagis maintenant !

Un milliard de financement, pour lutter concrètement »

Refrain de « Macron c’est toxique »

La jeune génération est aussi très représentée. Beaucoup de lycéennes et étudiantes sont présentes ainsi que des parents, venus avec leurs enfants. 

Une marche intersectionnelle

La marche du 20 novembre est aussi un moyen pour le collectif #NousToutes de faire converger les luttes. L’année 2021 a été marquée par de nombreuses révélations sur les violences faites aux enfants. La publication du livre de Camille Kouchner La Familiale Grande, a donné naissance au mouvement #MeTooInceste. La publication du rapport Sauvé pour la CIASE, commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise, début octobre, a aussi mis en lumière l’ampleur de la pédocriminalité dans l’Église autour de laquelle la parole se libère toujours.

« Prends ma plainte, t’as pas le choix. Prends ma plainte, c’est la loi. Prends ma plainte article 15-3 ! », scandent les manifestantes

Dans la foule, certains slogans font aussi référence au hashtag #DoublePeine lancé par la féministe Anna Toumazoff.  En reprenant le terme juridique, ils dénoncent la mauvaise prise en charge des victimes lors des dépôts de plaintes, qui rajoute au traumatisme. Un site relaie maintenant plus de 400 témoignages de victimes de violences sexuelles. Une meilleure formation des forces de l’ordre est réclamée. De même, des pancartes abordent l’affaire Emile Daraï et les violences obstétricales et gynécologiques (VOG), longtemps minimisées voire ignorées par notre société.

Les différents #Metoo : politique, medias ou bien encore TV réalité sont représentés dans cette vague violette. La démission de Gérald Darmanin est réclamée par des manifestantes. En effet, depuis 2017, le ministre de l’Intérieur fait l’objet de deux plaintes déposées par deux femmes pour abus de faiblesse et pour viol. Ces accusations, après enquête, n’ont pas donné suite à des poursuites judiciaires. « On en a marre » souffle Célia, militante.

L’enquête récente d’Envoyé Spécial sur l’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, accusé d’agressions sexuelles et de viol, pose de nouveau la question du soutien affiché du gouvernement et du signal envoyé aux victimes.

Des heurts ont éclaté entre les féministes du collectif Némésis et des manifestants

Comme en 2019, le collectif d’extrême droite Némésis s’est invité à la manifestation en arborant des pancartes racistes : « 99% des afghans favorables à la charia et 85% des afghans pour la lapidation des femmes adultères » en scandant « On est chez nous ! ». La foule n’a pas tardé à réagir en martelant « Cassez-vous ! ». Un groupe d’hommes, faisant office de « service d’ordre » pour le collectif Némésis, perturbe la fin de marche, armés de barres et de ceintures. Des violents affrontements ont suivi, des projectiles sont lancés de part et d’autre.

On reconnaît sur ces images, ceinture à la main, Stanislas d’Elloy, responsable du syndicat étudiant la Cocarde Nanterre.

Deux ans après le Grenelle contre les violences conjugales : les associations veulent plus de moyens et des actions concrètes

A quelques mois maintenant de la Présidentielle, les organisations féministes réclament 1 milliards d’euros. Elles soulignent que le budget actuel de l’Etat de 360 millions d’euros contre les violences faites aux femmes et les féminicides reste indigent. 

Certains outils juridiques existent pourtant, comme l’ordonnance de protection, le TGD, le téléphone grave danger, attribué par le procureur. Ils n’empêchent pas les féminicides, comme l’illustre celui du 26 novembre à Epinay-sur-Seine où une femme de 44 ans a été poignardée à mort par son ex-compagnon à son domicile, devant ses enfants. Elle disposait d’un TGD. L’homme, en détention provisoire avait bénéficié d’une permission de sortie.

Les moyens déployés et les progrès réalisés depuis le Grenelle restent dérisoires selon le collectif #NousToutes. Des efforts supplémentaires sont nécessaires pour créer davantage de places d’hébergement pour les femmes qui fuient leur conjoint violent. Aujourd’hui, selon un rapport de la Fondation des femmes, environ 40% des victimes ne se voient proposer aucune solution d’hébergement, et seules 12% obtiennent une place adaptée, avec un accompagnement juridique et psychologique.

 

 

 

 

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