Nouvelles Cartographies - 2020

Nouvelles Cartographies – 23.03.20 / 16.09.20

Lettres du Tout-Monde

La sala de urgencias

7 juin 2020

EX VOTO

La sala de urgencias

Poème d’Antonio Reyes Carrasco (Mexique) extrait de son recueil Lxs Perrxs del Soconusco, publié par Editorial Sophia et lu par Flora Beillouin (France).

Las salas de urgencias

Las salas de urgencias de los hospitales del seguro popular 

suelen tener un aroma antibiótico, 

los quejidos se arrastran por las paredes blancas no tan blancas, 

a veces he creído ver rastros de sangre en ellas: 

rojo vivo de la sangre 

gritando en la pared. 

Las salas de urgencias huelen a veces a meados, 

a mierda, a vómitos. 

Las sábanas y batas que presumen de higiénicas 

no lo son tanto. 

En mi última visita 

platiqué con un tipo con insuficiencia renal, 

con una señora hipertensa y diabética, 

vi cuando entró en camilla 

un muchacho 

al que recién habían apuñalado 

en un congal barato 

de la Indeco Cebadilla. 

En una ocasión 

escuché los lamentos 

de una niña de 13 años 

a punto de parir, 

su dolor gritado, 

el llanto del neo nato, 

las risas de todos 

por el acontecimiento 

los reclamos de su padre y de su madre. 

Y es que las enfermeras reciben por igual: 

recién nacidos, 

riñones, 

apuñalados, 

vesículas, 

apéndices, 

miocardios, 

tumores, 

acá no aplica el filtro selectivo, 

acá la vida y la muerte copulan extasiadas. 

Recuerdo la noche 

cuando Sophia nació: 

el quirófano tenía esa peculiar luz 

que tienen los quirófanos: 

luz vacía luz lejana luz que no es completa, 

sino cierta luminosidad estirando sus falanges al aire. 

Nació con su llanto de jazz. 

Cargue a su hija, me dijeron, 

la mamá perdió el conocimiento, 

cárguela, cántele, ella conoce su voz. 

Y Sophia ensangrentada, 

Sophia estornudo cósmico, 

me escuchaba mientras yo sonreía y lloraba. 

Claudia despertó, 

le entregué a nuestra hija en sus brazos, 

inaugurando ese inherente vínculo que hay 

entre una madre y su hija, 

inquebrantable, 

milenario, 

sideral. 

En las salas de urgencias de los hospitales 

pasan las horas, 

los segundos, 

pasan lamiendo las heridas, las jeringas, 

la sangre, las vendas, 

los pañales para adultos, 

pasan tatuando en la piel al reptil del tiempo. 

Y que no quepa duda, 

en la sala de los hospitales 

las más valientes son las mujeres, 

están más allá de algún típico umbral del dolor, 

los más chillones somos los hombres, 

al menos los cobardes y los derrotados 

le huimos al dolor 

cual si fuera la peste. 

Aunque he aprendido 

que el dolor fortalece al espíritu 

y hay que hacerle frente, 

cual aguerrido perro 

con los colmillos y las garras de fuera. 

No cabe duda, 

he muerto y renacido incontables veces 

en camas antibióticas, 

en salas de urgencias con olor antiséptico. 

Todos morimos y renacemos 

más veces de las que podemos contar. 

Les salles d'urgence

Les urgences des hôpitaux publics

ont toujours cet arôme d’antibiotique,

les gémissements se traînent le long des murs blancs pas si blancs,

Parfois, j’ai cru voir des traces de sang dessus :

le rouge vif du sang

criant sur le mur.

Les urgence sentent parfois la pisse,

la merde, le vomi.

Les draps et les blouses soi-disant hygiéniques

ne le sont pas tant que ça.

Lors de ma dernière visite

j’ai discuté avec un type qui souffrait d’insuffisance rénale,

une dame hypertendue et diabétique,

j’ai vu débarquer sur un brancard

un garçon

qui venait d’être poignardé

dans un bordel bon marché

de la Indeco Cebadilla (quartier de Tapachula, Chiapas).

Une fois,

j’ai entendu les lamentations

d’une fille de 13 ans

sur le point d’accoucher,

ses hurlements de douleur,

les pleurs du nouveau-né,

tous les rires

célébrant l’événement

les plaintes de son père et de sa mère.

C’est que les infirmières reçoivent sans distinction :

des nouveau-nés,

des reins,

des types poignardés,

des vésicules,

des appendices,

des myocardes,

des tumeurs,

ici on n’applique pas le filtre sélectif,

ici, la vie et la mort copulent extasiées.

Je me souviens de la nuit

où Sophia est née :

le bloc opératoire avait cette lumière particulière

propre aux blocs opératoires :

lumière vide, lumière lointaine, lumière incomplète,

seulement cette luminosité qui étire ses phalanges dans les airs.

Elle est née avec ses sanglots de jazz.

Prenez votre fille, m’ont-ils dit,

la mère a perdu connaissance,

prenez-la, chantez-lui quelque chose, elle connaît votre voix.

Et Sophia en sang,

Sophia éternuement cosmique,

qui m’écoutais tandis que j’oscillais entre le sourire et les larmes.

Claudia s’est réveillée,

j’ai déposé notre fille dans ses bras,

inaugurant ce lien singulier

qui unit une mère à sa fille,

inébranlable,

millénaire,

sidéral.

Dans les urgences des hôpitaux

passent les heures,

les secondes

léchant les blessures, les seringues,

le sang, les bandages,

les couches pour adultes,

elles passent, tatouant sur nos peaux le reptile du temps.

Et aucun doute,

dans les urgences des hôpitaux

les plus courageuses sont les femmes,

elles sont capables d’endurer la douleur au-delà du supportable,

ceux qui flippent le plus ce sont nous, les hommes,

ou tout du moins les lâches et les vaincus

nous fuyons la douleur

comme la peste.

Bien que j’ai appris

que la douleur fortifie l’esprit

et que nous devons y faire face,

comme un chien aguerri

tous crocs et toutes griffes dehors.

Il n’y a aucun doute là-dessus,

je suis mort et ressuscité un nombre incommensurable de fois

sur des lits imprégnés d’antibiotiques,

dans des salles d’urgences aux odeurs d’antiseptique.

Nous mourons et renaissons tous

plus de fois que nous ne pouvons compter.

A diffuser sans modération !