Nouvelles Cartographies - 2020

Nouvelles Cartographies – 23.03.20 / 16.09.20

Lettres du Tout-Monde

L’intersection

1 juin 2020

© Flora Beillouin

Traversées poétiques 

L’intersection 

par  Jasmine Sebbani

(Je suis à l’intersection. )

Ne suis-je pas une femme ? 

Ne suis-je pas noire ? 

Ne suis-je pas maghrébine ? 

Ne suis-je pas queer ? 

(Ne suis-je pas dominée ?) 

Je suis à l’intersection mais le monde n’a pas de place pour la complexité

Longtemps, j’ai senti que je devais privilégier un aspect de moi. Une part de moi, à la fois. Les espaces de liberté sont restreints et encadrés. 

Le racisme existe dans le féminisme. 

Comment puis-je me libérer ? 

Trop noire pour être arabe

Trop arabe pour être noire

Qu’en est-il de mon africanité ? 

Trop gay pour les hétéros

Trop hétéro pour les gays. 

Qu’en est-il de la bisexualité?

Le féminisme ne considère pas le racisme. L’antiracisme ne considère pas les questions de genre et d’orientation sexuelle.

Chacun relègue l’autre dans le gouffre des questions “secondaires/accessoires/marginales”

Chaque espace que j’investis me renvoie à ma propre diversité. 

Suis-je condamnée à voyager d’identités en identités ? 

Suis-je condamnée à sans cesse nier, mettre de coté un aspect de ma complexité ? 

N’existe t-il aucun espace à occuper ? A revendiquer ? 

“Freedom is a constant struggle”

J’imagine que la réponse serait de le créer, de m’y affirmer et de le revendiquer. 

Mais veuillez m’excuser, je n’en ai plus la force. 

Je suis épuisée,

(de me chercher,

sans me trouver)

Les individus ne sont pas unidimensionnels

Il existe des intersections. 

Des carrefours auxquels ils sont confrontés. 

Mais ils ne devraient pas choisir un chemin au profit d’un autre 

L’intersection ne doit pas être une impasse

Aucune identité ne devrait primer sur les autres

Je souhaite que chacun puisse embrasser sa complexité. 

Je ne veux pas devoir m’identifier dans la négation d’une partie de moi

© Flora Beillouin
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